avril, 2014 | Diane de Verliac

Nul passé ne mérite d’être revécu …

Nul passé ne mérite d’être revécu , il n’y a que l’Eternel nouveau qui se forme des éléments amplifiés de l’Ancien

Qui souhaite revivre le passé ?
Pouvons-nous blâmer celui-là même dont la nostalgie du bonheur nourrit son cœur ?
Et pouvons-nous condamner celui qui par un oubli total , partiel , partial et en rébellion souhaite échapper aux malédictions antérieures ?
A l’homme relié et observateur , la Nature enseigne qu’après les grandes catastrophes et les grands malheurs , le germe de la renaissance omniprésent va éclore .
Toute vie est issue de la transformation et celui qui ne s’adapte pas meurt .
La Nature ne réfléchit pas : elle engendre , elle enfante !
Le doute marque de son sceau la conscience humaine écartelée ou réunifiée entre ses deux mains :
– une pour la prise ,
– l’autre pour le lâcher …

Nul ne peut refaire l’histoire .
Le passé est une irréversibilité absolue .
Ulysse qui veut retrouver ce qu’il a laissé derrière lui constate que celui qui est parti ne revient jamais à son point de départ inchangé .Parce que le temps transforme toutes les choses.
Le réel subit la marque du temps .
De prime abord , dans cette fraction qui sépare notre perception du souvenir , nous pouvons pensez que notre destin est renvoyé à une impuissance certaine ou toute autre forme de passivité .
Puisque il est impossible d’agir sur le passé , alors il pèse encore bien plus sur nous .
Le passé détermine le présent et le futur .
Au sens le plus strict , il impose un déterminisme sur l’Univers physique .
Sur la condition humaine , il en va autrement , car si tous nos passés sont nos fondements , l’individu peut choisir de rejeter ou d’accepter son passé .
Nous mourrons tous un peu chaque jour , avec cette réalité la plus profonde et la plus intime de conserver notre force initiale et notre pouvoir pour remonter la pente et contrarier le mouvement descendant de la matière .
Kierkegaard n’imagine pas la vie sans un être suffisamment éveillé pour conduire Pégase , le cheval fou de la passion .
Jean-Paul Sartre établit que : « le Passé est un Pour-Soi ressaisi et noyé par l’En-Soi ».
Homme jeté dans le monde condamné au sens , à sa valeur et à la liberté parce que responsable de tout ce qu’il fait , admettant les évidences et glissant du néant vers le ferment détotalisateur , au-delà de tout dépassement .
L’oubli c’est l’aliénation de notre nature et pour Platon , c’est la mémoire qui définit le mieux la vérité , et donc que la libération de notre âme ne peut s’effectuer que par la mémoire vraie , sans compromis ni restriction .
Il ne s’agit pas de revivre le passé , mais bien plutôt d’en conserver les souvenirs pour nous sauver .
Bien loin du fleuve Léthé des Enfers et de son breuvage de l’oubli qui fait chuter nos âmes .
Ainsi notre Mémoire sacrée , temps primordial qui n’est ni passé ni disparu , nous permet d’entrer en contact avec le Divin et l’Invisible .
Toute marche est « en avant » , tel le petit d’homme qui pour la première fois se relève et ose avancer un pied après l’autre .
L’existence est une ouverture , mouvement et projection en avant de soi .
Dans une réalité du temps insaisissable , où le passé n’est plus , où le présent est indéterminé , et le futur pas encore né , la seule certitude et angoisse fondamentale , c’est la mort .
Le voyage auquel personne n’échappe .
Cet anéantissement certain , prochain , inévitable donnerait à la volonté humaine une absurdité considérable .
Le temps assigne notre corruption temporelle , il est la marque de notre impuissance .
Il est une représentation nécessaire pour fonder toutes les intuitions .
Mais selon Epicure , c’est au cœur de cette conscience de finitude que l’homme est poussé à son accomplissement .
Sartre complète à nouveau posant que : « l’existence précède l’essence ».
L’homme est tout à la fois un ensemble immense de potentialités et c’est parce qu’il choisit librement son essence qu’il veut être .
Le Passé marqué , défini et définitif nourrit la transmission et la transmission nourrit l’évolution et la perfectibilité .
Et le devoir de mémoire est la co-extension de la conscience qui donne au présent et au futur leur mouvance régénérée .
Alors même que le mémoire totale n’existe , il n’est pas davantage possible d’atomiser l’Ancien .
On a vu l’impuissance aliénante et aliénée des états totalitaires à vouloir rayer la mémoire des peuples .
L’écrivain tchèque Milan Kundera formule que « le combat contre l’oubli est la lutte contre le pouvoir des dictatures » .
Au cœur des méandres mortuaires des parts sombres ou des résurgences lumineuses , l’humanité depuis la nuit des temps ne renonce pas à ses grands idéaux intrinsèques : la liberté et l’élévation .
Voilà bien l’Eternel Emerveillement !
Au sein des civilisations , de leurs différences et complémentarités , les traditions enlacées , suites du Passé et chaînes sacrées , unifiant le plus insignifiant au plus affirmé , vivantes , puissantes que Hegel assimile à un fleuve universel et collectif qui grossit sans cesse au fur et à mesure qu’il s’éloigne de sa source …
Nous pouvons lire dans les « Pensées » de Pascal que : les lumières du passé et du présent réfléchies dans le miroir à deux faces de l’Histoire du Bien et du Mal sont nos moyens et que seul l’avenir est notre fin .
Animant la roue de l’Eternel Retour et chassant tout le négatif , dans la formule suprême de l’affirmation : ECCE HOMO et de son « Vouloir » réel , créatif , rédempteur et messager de joie .
L’Eternité immobile qui progresse grâce à toute création , partir des anciennes connaissances , et des états antérieurs , l’unir à notre intuition sensible pour aboutir une nouvelle réalité intelligible et une conscience actualisée , en pleine expansion , dans une énergie agissante et efficace .
Union sacrée du couple indissociable « Espace-Temps » , le 3 plus 1 constituant le milieu à 4 dimensions , où les compréhensions s’étendent et confèrent à l’homme sa position , sa constitution philosophique , vers son évolution spirituelle et son éclairement qui ne sont pas sans peine ni sans lutte , mais les fruits du travail sur soi .
Parviendra-t-il dans sa course effrénée et sans cesse augmentée à « courber » l’espace et à ralentir le temps pour atteindre ce rapport élastique qu’établit la théorie d’Einstein ?
La vitesse constante de la lumière n’est –elle pas celle qui définit le mieux l’Eternité renouvelée ?
Mais est-ce donc le temps et l’espace qui sont à conquérir quand notre vertu humaine : la Raison , ne nous est pas donnée mais bien elle aussi et surtout toute à conquérir ?
Voilà l’actualisation sage qui fonde notre bonheur essentiel et souverain par les exigences morales du Bon , du Bien et du Beau , sous les 4 pivots cardinaux que sont le courage , la justice , la tempérance et la sagesse .
Tout humain souhaite accéder à un bonheur pérenne où passé , présent et avenir se confondent.
La grande quête du temps en plénitude , absolu , éternel , l’Eden ou tels les jardins suspendus de Babylone , n’est-ce pas cela la Terre Promise ?
Et ne sera-ce que dans la mort ?
Les seules grâces concédées et réconciliantes au temps si bref de la vie , sont l’espérance et la foi qui tissent l’étoffe de l’âme , la transcendance d’une existence meilleure et charitable .
L’Amour est la seule valeur du Temps .
Alors celui-là vit éternellement qui vit dans le présent !!!

Ecrit le 7 Avril 2014 , à « La Blanche Rose » Montussan